Krys Jacou - Espace Bocaud
Virginie R.
Synonyme de sensations douloureuses chroniques, mais aussi de fatigue visuelle, de vision instable et inconfortable, la sécheresse oculaire est aujourd’hui l’un des premiers motifs de consultation en ophtalmologie. Elle impacte fortement la qualité de vie en raison de la douleur parfois peu intense et ressentie comme une simple gêne mais continue et permanente, parfois au contraire évoluant en crises très internes et invalidantes. Pour autant, les douleurs oculaires chroniques sont les plus difficiles à traiter, les mécanismes responsables de leur persistance étant encore mal connus. À l’Institut de la Vision, l’un des plus importants centres de recherche entièrement dédiés aux maladies oculaires, de récents travaux en ont permis une meilleure compréhension.
Par une sensation désagréable assurément, une expérience aussi sensorielle qu’émotionnelle issue d’un message douloureux transmis par le système nerveux. A son origine : les nocicepteurs, ces récepteurs sensoriels de la douleur qui se retrouvent partout dans le corps, sauf dans le cerveau. Lorsqu'ils sont stimulés par des agressions de différentes natures, ils envoient une information au cerveau qui est transmise par les nerfs sensitifs. C’est pourquoi il importe de distinguer la douleur, une expérience ressentie, de la nociception, qui est l’ensemble des processus mis en œuvre dans le codage, la transmission et le traitement des messages nerveux issus des nocicepteurs.
La sécheresse oculaire par exemple est l’un des premiers motifs de consultation dans les cabinets d’ophtalmologie : caractérisée par une douleur à intensité variable, cette pathologie concerne entre 5 et 35 % des personnes de 50 ans et plus. Avec un effet handicapant puisque près de 60% des patients se déclarent gênés dans leurs activités quotidiennes. Rappelons que la douleur oculaire se loge essentiellement sur le segment antérieur de l’œil, comprenant la cornée, la conjonctive, l’iris et les corps cillaires, quand le segment postérieur de l’œil (rétine) est quant à lui peu innervé par le système nociceptif. Rien d’étonnant même à ce que la moindre agression de la cornée (un cil ou une poussière sur l’œil) ou une lésion des nerfs cornéens provoquent une douleur d’une très forte intensité : la cornée est en effet le plus puissant générateur de douleur de l’œil et même de tout l’organisme puisqu’elle est le tissu le plus densément innervé du corps : on estime à 7000/mm2 la densité des terminaisons nerveuses cornéennes chez l’homme. Pour avoir un ordre d’idées, cette densité est 500 fois plus élevée que celle de la peau et 30 fois plus que la pulpe dentaire ! Pour remédier à ces douleurs, les médecins disposent aujourd’hui d’un faible éventail thérapeutique, allant des larmes artificelles jusqu’aux antalgiques par voie générale, en passant par les anti-inflammatoires ou immunomodulateurs locaux, tous ayant une efficacité limitée dans le cadre de douleurs oculaires chroniques.
L’examen clinique s’attache à rechercher laquelle des trois couches du film lacrymal est atteinte, de façon à cibler le traitement sur le facteur manquant : lipide, eau ou mucus. Pour remédier aux douleurs oculaires, les médecins disposent aujourd’hui d’un faible éventail thérapeutique, allant des larmes artificielles jusqu’aux antalgiques par voie générale, en passant par les anti-inflammatoires ou immunomodulateurs locaux, tous ayant une efficacité limitée dans le cadre de douleurs oculaires chroniques. Les collyres essaient quant à eux de mimer le plus possible le film lacrymal tout en étant le moins agressif possible. Aucun collyre substitutif ne peut être efficace une fois pour toutes, et le plus souvent il s’agit d’un traitement de très longue durée, voire à vie, avec plusieurs instillations journalières. Des progrès ont été faits en termes d’administration et d’effets secondaires mais le produit parfait n’existe pas encore.
À l’Institut de la Vision, l’équipe du Pr Christophe Baudouin et du Dr Stéphane Mélik Parsadaniantz, avec le Dr Annabelle Reaux-Le Goazigo, travaille à mieux connaître les mécanismes impliqués dans l’initiation et la chronicisation de ces douleurs avec l’objectif de mieux les contrer et développer des traitements performants. Leurs récents travaux ont clairement permis de faire un bond certain dans cette connaissance et compréhension de la douleur oculaire et ont permis de mieux identifier les neurones en cause dans ces pathologies, en déterminant la distribution en 3D des neurones cornéens dans le ganglion trijumeau et en identifiant précisément les neurones cornéens. Récemment, les chercheurs de l’équipe ont mis en place un dispositif permettant de mesurer l’activité électrique des nerfs cornéens qui véhiculent l’information nociceptive jusqu’au cerveau. Cela a permis de mieux comprendre les modifications qui surviennent lors de douleurs oculaires aiguës ou chroniques. Aussi, les recherches de l’Institut de la Vision ont mis en lumière le rôle joué par les neurones mais aussi certaines cellules dans le cerveau dans la chronicisation de la douleur oculaire. Ils ont ainsi découvert que dans un contexte de douleur chronique se met en place une activation ou un dérèglement du fonctionnement de ces cellules dans les régions cérébrales impliquées dans la douleur. On parle ainsi de douleur neuropathique lorsque la douleur persiste ou se développe alors que sa cause périphérique, notamment cornéenne, a été traitée ou ne semble pas prééminente. Les récepteurs au froid qui assurent 15% des récepteurs cornéens et interviennent dans la régulation du clignement et de la sécrétion lacrymale semblent y jouer un rôle particulier, et pourraient constituer des enjeux thérapeutiques à court-moyen termes.
Ces recherches uniques en France ont ainsi progressivement permis d’identifier les principaux acteurs cellulaires et moléculaires responsables de la chronicisation de la douleur. Pour aller plus loin et mettre à profit ces nouvelles connaissances, l’Institut de la Vision, en collaboration avec les équipes de Pr Baudouin et l’hôpital des Quinze-Vingts ont mis en place un questionnaire spécifique “Douleur oculaire” destiné aux patients, ainsi qu’un plateau technique unique au monde en matière d’imagerie cellulaire, d’analyse fonctionnelle et morphologique du film lacrymal et de recherche de biomarqueurs de l’inflammation et de la douleur. En outre une consultation spécifique dédiée à la douleur oculaire a été organisée avec le concours de l’équipe d’anesthésie des Quinze-Vingts et du service de neuro-imagierie. Ophtalmologistes, anesthésistes, infirmières spécialisées et psychologue organisent ainsi une prise en charge multidisciplinaire. En parallèle, sont initiés plusieurs projets visant à toujours mieux connaître et comprendre cliniquement la séquence et nature des événements à l’origine des mécanismes responsables de la douleur oculaire chronique. Autant de travaux qui ouvrent de nouvelles perspectives et laissent entrevoir l’espoir de découvrir de nouveaux médicaments afin de soulager ceux qui ne disposent à ce jour d’aucun traitement.
Rédaction réalisée en partenariat avec le Pr Baudouin de l’Institut de la Vision, avec tous nos remerciements.
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Article mis à jour le 16 mars 2021.
Synonyme de sensations douloureuses chroniques, mais aussi de fatigue visuelle, de vision instable et inconfortable, la sécheresse oculaire est aujourd’hui l’un des premiers motifs de consultation en ophtalmologie.
La sécheresse oculaire est l’un des premiers motifs de consultation dans les cabinets d’ophtalmologie&nbs
Le glaucome touche 1 à 2 % de la population de plus de 40 ans et environ 10 % après 70 ans.
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